Je suis deuxième femme!
Je ne sais pas encore ce que ça signifie. Enfin tout ce que ça signifie… Je me suis pliée à la corvée des salutations familiales … On m’apprend que ce n’est pas fini… Je dois aller saluer La Gourgandine… Je dois aller faire allégeance à la première. C’est ainsi.
C’est la tradition, je dois m’y plier…
La Reine Mère (ma belle-mère) l’exige. Non… Non… Je ne peux pas!
Mon coeur se refuse à le faire. Mon esprit se révolte à cette idée. Mon corps se révulse. Non … Non… Je ne veux pas!
J’ai cette boule dans le coeur. Cette boule qui m’oppresse, qui annihile toute pensée. Non… Non… Je ne le ferai pas!
Et c’est le ballet des sempiternelles phrases toutes faites de notre litanie du mariage africain…
Nonou la, lolou dou dara, lou war la, …
Ma mère et ma tante s’y mettent, ce n’est qu’une formalité, fais le qu’on en finisse.
Et je cède une fois encore. Et je plie malgré toute ma répugnance à le faire.
C’est ma façon à Moi de prouver à Buur que je l’aime… Mettre entre parenthèses mes opinions.
Et c’est reparti pour la parade (car je dois me parer, paraître et faire pleurer de jalousie celle qui doit nous recevoir!) Quelle mascarade!
Je suis sauvée in extremis par la Gourgandine elle-même. Blessée par la trahison de son époux elle refuse de me rencontrer, dénie ce mariage qu’elle n’acceptera jamais (elle gardera cette logique toute sa vie d’ailleurs. Je ne suis pas la femme de son mari).
J’ai envie de l’embrasser… C’est une Girl Power qui ne dit pas son nom…
Pour une fois sans être unies nous avions les mêmes idées et nous avions craché sur la tradition (surtout grâce à elle , soyons honnêtes)
La Gourgandine donc s’est barrée, elle refuse cette humiliation publique… Elle, la femme de…. avoir une rivale??
Elle est à la une de toutes les cérémonies de la capitale. Elle est l’objet d’un buzz, un bad buzz dans son milieu naturel. Griots, lèche culs, tout le monde s’y met et y va de son commentaire…
C’en est trop pour elle, elle fuit. Elle part se réfugier chez une tante dans un pays à côté. Le temps que la tempête passe.
Moi je pense que j’ai gagné. Elle est partie. Il est à moi. Je n’ai même pas eu à partager les nuits… Elle est partie avant que cela n’arrive. Je jubile. Je suis heureuse.
Et je vis là les plus beaux mois de mon mariage, de ma vie d’épouse. Je ne vis, et ne respire que pour mon Buur…
Boulot, cuisine, sorties. On vit notre Amour et nous l’étalons. Nous sommes beaux et L’Amour nous rend encore plus beaux. Nous faisons des jaloux et des envieuses…
Buur est Amour Attention et générosité.. Les cadeaux pleuvent… Je croule sous ses présents… That is Life what else???
Je ne veux pas encore d’enfants, je veux vivre pleinement mon amour, profiter et je suis en train de bâtir une carrière les enfants ça peut attendre encore… Et j’en profite plus que largement… Un conte de fée me diras tu oui sauf que un beau jour patatras! TOUT S’ECROULE !!!
La Gourgandine est de retour!!!
Ramenée au bercail par des âmes charitables (comme je les déteste ces seytané, hypocrites, kpakpatos, sorciers, …). Elle regagne donc son foyer. Avec une seule idée en tête, faire la guerre à cette sale pute (fille d’une pute qui aurait mieux fait d’avorter au lieu de la mettre au monde) qui est venue lui voler sa poule aux oeufs d’or, chasser cette malotrue qui a eu l’audace de la défier.
Et elle en fait une vision, adopte une stratégie, met en place son plan d’action et le met en oeuvre méthodiquement avec tous les moyens qu’elle a.
C’est propre!
Elle a des talents qu’elle va certainement découvrir elle-même au cours de sa mise en oeuvre.
Quand j’apprends son retour, je suis plus bas que terre. Je suis KO debout!
J’ai craqué, cela t’étonne hein! J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. J’étais réellement dans un mariage polygame, Buur allait devoir assurer des tours, deux jours ici, deux jours là-bas. La réalité me rattrapait. Comment avais-je pu me mettre dans une situation pareille? Comment avais-je pu penser une seule seconde que j’étais capable de gérer ça, rien dans mon référentiel de valeurs ne m’y avait jamais préparé.
Buur a passé toute la nuit à me cajoler, à essayer de s’expliquer sur ce retour que je ne lui pardonne pas. Il était au courant de toutes les démarches entreprises par certains membres de sa famille pour ramener la mégère dans son foyer. Il n’en a pipé mot.
J’ai mal, je croyais qu’il la lacherait, qu’il n’accepterait pas qu’elle revienne.
Il est là stoïque, à m’expliquer que cela ne change RIEN, que ce mariage est un pacte signé avec ses parents dont il ne peut se défaire, il en a fait le serment à son défunt père.
Il ne la répudierait jamais… Si elle partait de son plein gré il ne la retiendrait pas non plus.
Il n’a rien fait pour la faire revenir, il n’est pas allé la chercher lui-même
Il n’y peut rien, il est soumis à leur sacro-sainte tradition.
Et moi je pleure de rage, de dépit de dégoût… et de jalousie.
Buur va passer cette nuit avec elle…
Je vais mourir. Je suis déjà morte de jalousie. Je pleure toutes les larmes de mon corps. Je me sens bête, idiote, stupide.
Des nuits il en a passé des centaines avec elle, c’était son homme avant d’être le mien! Quelle histoire!!! Je connais les affres de la jalousie.
C’est sale!
C’est horrible!
Buur reste jusqu’à une h du matin mais il doit partir et il part…
Je le hais à cet instant. C’est vérifié chez moi et c’est vrai, l’Amour et la haine sont les deux faces d’une même médaille…
Je me lève comme une zombie pour aller au bureau, je m’abrutis de travail.
Les grandes douleurs sont muettes, je ne parle de ça à personne!!! Personne ne doit connaître mes tourments… Mes turpitudes. Oui, turpitudes car j’ai honte de ce que je ressens, ce que je pense, mais surtout ce que je vis… Buur m’appelle pour déjeuner je refuse… Je ne le prends pas au téléphone toute cette journée, je ne peux pas.
Je suis fâchée contre elle (c’est connu c’est toujours la faute de l’autre). Je suis fâchée contre lui (il m’a trahie). Je suis surtout fâchée contre moi même (je me suis trahie) c’est le pire. Je m’en veux, je dois me sortir de cette merde, ce n’est pas ma vie. Je dois trouver une solution.
Je descends tard, je trouve ma maison grande, vide, triste à l’image de mon humeur. Je me traîne dans la douche. Je me pose devant la télé. Et je re-pleure.
Les images de la télé défilent à l’écran, celles de ma vie dans ma tête. Et je pleure. Je sanglote comme jamais.
Buur est là, il est venu, il me prend dans ses bras, je suis devenue la toute petite fille dans les bras de son père, je pleure ma douleur, je hurle mon chagrin et il me serre dans ses bras. Il sait. Il m’aime. Il sera toujours là.
C’est décidé on part en week-end. On va se retrouver seuls.
Et ce sera toujours ainsi, lorsque je craquerai il viendra, me parlera et on s’en ira se retrouver pour revenir replonger. Paradoxe.
Ma maison est devenue l’antre de tous les mal aimés de la gourgandine (c’est toujours ainsi non??)
Les frustrés qu’elle a délaissés à un moment où un autre, les amis qui avaient trouvé une bonne table et surtout un oasis en ma maison car je savais recevoir. Je sais recevoir. Mets cuisinés avec Amour, je mixais savamment toutes mes cultures et la cuisine est une de mes passions. Je savais écouter et les âmes en peine avaient trouvé une oreille attentive et compatissante qui en plus avait la main généreuse pour ne rien gâcher.
La maison était toujours pleine, la nourriture en abondance, l’ambiance au rendez vous.
Je me suis laissée envahir pour combler un vide.
J’ai payé cher cette invasion. Très cher.
SI vous êtes nouveau ici:

Auteure, podcasteuse, sénégalaise. Je suis passionnée d’écriture et je traite essentiellement de sujets autour de notre perception de l’autre, du jugement, des violences ordinaires… J’ai un premier recueil de nouvelles publié en 2018 que vous pourrez trouver ici… J’ai créé du Kokalam en 2017. Année après année, il continue de grandir.
Comme d’hab, j’ai aimé te lire, tes mots m’ont scotché à l’ecran de mon téléphone, jusqu’ au point final. Bravo Zoubi
Merci ma très chère
C’est un plaisir de vous lire. Ce récit nous fait sentir la profondeur et la complexité des sentiments qui nous habitent quand nos valeurs ne suffisent pas à guider nos actes.
Merci beaucoup Téning. C’est en ce sens qu’il est important pour moi d’éviter de manière générale de juger les gens, la vie est beaucoup plus complexe que ce que les régles préétablies en disent. En espérant continuer à vous accueillir par ici.
Absolument en phase avec vous Jeela. Merci pour votre accueil. Bonne continuation.
Merci beaucoup Téning! N’oubliez pas de vous abonner au site pour recevoir par mail les publications dès leur parution
C’est fait Jeela! Merci beaucoup❤.
Merci à vous <3
je suis scotché devant mon ordi comme si j’étais pas au bureau! merci de ta belle plume ! l’histoire promet
Merci, merci, merci… Considérons que vous avez pris votre pause un peu plus tôt, vous reprendrez de la pause un peu plus tôt aussi 😉 . Merci en tout cas de nous lire. Et pour ne rien rater, vous pouvez vous abonner au site, vous recevrez les notifications directement sur votre email.
Merci bcp ! J avais toujours di niet a la polygamie jusqu au jour ou je suis tombe amoureuse de mari de quelq’un ….
Enfin une qui comprend qu’on ne controle pas Tout
La Compressor aussi ne croyait pas que c’était possible. Rien n’est tout blanc ou tout noir
J arrive pas a avoir pitie de toi !! Tu reste 1 deuxieme a mes yeux !!! Sinon tres beau recit
Merci beaucoup pour le compliment. Tout n’est jamais noir ou blanc dans la vie, ne pensez-vous pas?
Passez un bon weekend.
Très percutante. Merci pour ces moments de delice que tu nous procures. Les gens nel isent plus. Vivement la suite. Tout est si réaliste….
Merci beaucoup. Bienvenue par ici… La suite sera postée vendredi