« Papa ji teel nga xëy ci di
Doom bul ko wax kenn de da may bañ ñu daqq ma» (Mon père, tu es arrivé tôt au travail di! Ma fille, ne le dis à personne, j’ai peur de perdre mon travail)
« Qu’Allah nous donne les moyens de notre dignité, amine ! »
Je plie ma natte après la prière de Fajr. Un moment de répit avant que les enfants ne se lèvent. Deux jours que je n’ai pas donné la dépense, cela devient de plus en plus fréquent ces derniers temps. Hier les plus âgés sont allés se coucher sans rien manger, ce matin, ils ne mangeront pas non plus. Je ne sais pas où trouver l’argent nécessaire pour que Khary fasse le repas. Ils ont trompé leur faim devant la télé depuis ma natte de prière j’entendais tout. Le regard de Khary est lourd de reproches. J’ai perdu mon travail il y a 3 ans, je venais juste de convoler en secondes noces avec l’épouse de mon jeune frère décédé, comme le voulait la coutume. Il laisse une femme jeune, très jeune et un enfant. Kiné est tout ce que n’est plus Khary. Cette dernière s’est fanée au fil des ans, des grossesses et de nos conditions de vie. Qu’est ce qui m’a pris d’accepter ce mariage.
Mes enfants me regardent de travers, mon épouse n’en parlons pas. Qui suis-je pour m’ériger conte valeurs ancestrales. Il est de mon rôle de perpétuer la tradition et de faire en sorte que « njaboot bi bañ tas » (que nos descendants ne se dispersent), que deviendrait ma nièce et l’épouse de mon frère si je ne les recueille pas. Qui sont ils pour discuter mes choix. Khary fait comme si nous nous étions choisis l’un l’autre. N’est elle pas née et à trouvé son destin lié au mien le jour de son baptême. Elle n’a pourtant pas contesté ce choix. Wante dugg na ci lu ma mënul. Yàlla mi dara tëwul (Je me suis mis dans une situation inconfortable. Dieu qui a tous les pouvoirs) me donnera les moyens de faire face. Je n’ai fait que respecter mes aînés. Comme j’attends que mes enfants respectent les leurs quand ce sera leur tour.
Notre société change inexorablement. J’ai été honnêteté et travailleur pendant tout le temps que je suis resté dans cette usine comme chauffeur pour les directeurs qui se sont succédé. Pourquoi quand il a fallu diminuer les effectifs a t on commencé par nous, le petit personnel. Alhamdoulillah, alhamdoulillah, Alhamdoulillah. J’égrène mon chapelet pendant que tout cela tourne dans ma tête. Mba du dama tooñ yàlla ta yëgu ma ko (Ai-je fait quelque chose qui n’a pas plu au Très Haut). Astaghfiroullah!
Une porte grince et s’ouvre, c’est la propriétaire de la maison qui sort avec un banc, elle s’installe devant la porte d’entrée, le signal est clair, personne ne sortira de cette maison sans lui remettre son loyer, j’ai 5 mois d’arriérés. Si elle nous fait sortir, ma famille se retrouvera à la rue. Je n’ai même pas de quoi les renvoyer au village. Si je les renvoie au village, les enfants ne pourront plus aller à l’école. Mon estomac gargouille. Je refuse d’y prêter attention. Absorbé dans mes réflexions.
J’ai rencontré Djily hier, il paraît que aéroport bu bes bi dafay embauché journaliers. Te ma dem foofu xool ba xam (je devrai peut-être être y aller voir). Ce serait toujours ça de pris. Mais comment sortir de la maison avec cette mégère devant la porte. Gor la xajju ma ci toroxtange (je suis un honnête homme, je ne peux vivre le déshonneur). Moom dara saffu ko (Elle n’en a cure), elle n’aura aucun scrupule à m’interpeller au vu et au su de tous xawwi sama suturë (me mettant ainsi à nu). Dieu sors moi de cette situation. Mon plus jeune fils se réveille et vient s’asseoir à mes côtés «
– papa j’ai faim
– Attends que Khoudia se lève, je lui donnerai l’argent pour qu’elle aille chercher du pain.
– D’accord, (il monte sur moi et s’installe confortablement. 5 minutes plus tard, il se rendormait) »
Khary nous trouve ainsi, lui coller tout contre ma poitrine, complètement endormi et moi n’osant pas bouger. S’il se réveille et ne trouve pas le pain, rien ne pourra le calmer. Je devrai y aller avant. Je chuchote.
« – Khary, Khary, Khary… (Le regard de mépris qu’elle me jette est suffisamment éloquent, j’en fais fi). Jëlël ki (Prends le), je dois partir.
– (S’approchant et le prenant) bul fatte xaalis’u dépense bi (n’oublie pas l’argent pour la dépense quotidienne)
– Baax na! (dans le sens de Je t’ai entendu)»
Je me dirige vers la porte, quand elle me rappelle. «
– Tu n’as pas entendu ce que j’ai dit
– Si degg na la (Je t’ai entendu) »
Et je continue d’avancer, je marque un temps d’arrêt devant la mégère. Qui, à ma grande surprise me salue chaleureusement.
«
– Ndiaye, Ndiaye, Ndiaye, mba tu as passé une bonne nuit, mba kenn tawatul ?? (J’espère que tout le monde se porte bien)
– (Mes yeux s’agrandissent de choc) sant rek Alhamdoulillah ! (Je rends grâce)
– Khoudia est passée me voir hier, jot na xaalis bi (j’ai reçu l’artent), tu pouvais ne pas tout payer en une fois. C’est beaucoup d’argent et les temps sont durs. Merci merci beaucoup, si tous les locataires étaient comme toi, je n’aurai pas de problème. (Mon voisin choisit ce moment pour sortir). Ndiaye, tu n’es pas comme ce vaurien, qui me doit 6 mois et refuse de sortir de chez moi. Il sortira d’une manière ou d’une autre. Ndiaye loy jublu, yal na ci yiwwu yàlla jublu » (qu’Allah te guide)
Je continue mon chemin perplexe. Je n’ai pas remis d’argent à Khoudia, qu’est ce qui est entrain de se passer chez moi. Que suis je entrain de devenir. Khoudia ne travaille pas.
Il y a une semaine, elle est rentrée avec un nouveau téléphone et 20 mille fcfa qu’elle a remis à sa mère. D’où vient cet argent?
Je suis perdu dans mes pensées quand je reçois un appel de Kiné.
«
– Nijaay Ndiaye, mba ya ngi ci jàmm? (Oncle – dans le sens de époux – Ndiaye, j’espère que tu vas bien)
– Sant rek! (je rends grâce)
– Nijaay, gëj nga ma duggalal ligne dé. Temps yi moom da nga ma bayyi. Man rek ma lay woo. Lu waral lu ñaaw? (Oncle, cela fait un moment que tu ne m’as,pas acheté de crédit téléphonique. Ces temps-ci, tu ne t’occupes pas de moi, tu me délaisses. Je suis la seule à t’appeler. Qu’est ce qui se passe?)
– Kiné da nga bëg degg dëg? (Kiné, tu veux entendre une VÉRITÉ?)
– Wawaw Ndiaye! (Bien sûr Ndiaye)
– So gise guro yeyal ! » (si tu vois de la cola, mâche la – la cola est utilisée pour sceller les mariages au Sénégal. C’est une manière à lui de lui dire qu’elle est répudiée et peut ainsi accepter la cola d’un autre)
Ps: encore joyeux anniversaire Umàr Sali Ibou😍😍😍

De l’écrit en tant que blogueuse prolifique et auteure autoéditée avec Les Miroirs du Silence, jusqu’à l’oral comme podcast host, speaker ou MC pour des évènements, Zoubida Fall aborde multiples sujets qui traverse la société sénégalaise.
Particulièrement intéressée par les questions de jugement, de perception du monde et de l’autre et des violences ordinaires, Zoubida ouvre de nombreuses portes au fil des Conversations féminines, titre de son podcast, une véritable ode à la transmission intergénérationnelle et à l’amplification des voix de femmes.
Mais ce podcast est loin d’être le seul. Zoubida Fall a fondé et dirige DUKOKALAM, Média de podcast au Sénégal en 2022.
À travers cette posture d’entrepreneuse, Zoubida Fall apprend et transmet ses connaissances sur l’entrepreneuriat de façon générale, le coaching ainsi que la prise de parole.
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