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Miroir Maîtresse d’un homme marié – épisode 25

par | 25 Avr, 2019 | Nouvelles | 0 commentaires

Doom u dof

Mareme Dial doom u dof la! Ndekete am na ñuy dund li ma dund.

Mes yeux s’embuent. Goor du jooy. Je préfère aller dans ma chambre. Ma femme qui m’interpelle. «
⁃ Chéri qu’est-ce que tu as?
⁃ Rien, je me sens fatigué
⁃ Ok, on peut passer à table dès que la série se termine.
⁃ Ça marche!»

Ma voix est enrouée, mes pieds me portent à peine. J’entre dans la chambre et me dirige automatiquement vers la salle de bain. La porte refermée, mes larmes coulent. Tout me revient en mémoire. J’allume une cigarette et continue de pleurer de plus belle, assis sur les carreaux.

Noël 94.

Avec des amis, nous avions cotisé pour organiser un bal chez Abou. Nous étions fin prêts. J’avais épargné de longs mois pour m’offrir ce jean Levi’s que j’arborais fièrement. Les chaussures avaient fait l’objet d’âpres négociations avec mon vendeur et je les avais payées en plusieurs fois. La chemise, elle, venait directement de mon cousin Pape. Prêtée pour la soirée. Je devais y faire attention.
J’arrive chez Aby en ayant bien pris soin de marcher sur les trottoirs, je ne pouvais me permettre d’abîmer mes chaussures et encore moins de prendre un taxi. Le taxi, je le gardais pour amener Aby au bal et la ramener chez elle.
Je l’inspecte une dernière fois et sonne à la porte. Je compose un visage de circonstance, mi-responsable, mi-charmeur, le tout saupoudré d’un air de très grande assurance que je ne ressentais point. Dans ma tête, une petite voix assassine me lance « booy tiit di de! » et je l’entends rire.
C’est Aby qui ouvre. Et sa mère nous observe depuis la fenêtre du salon. Elle n’est pas prête. C’est bizarre. Elle m’avait dit qu’elle avait obtenu la permission de son père depuis un mois déjà. J’espère que le vieux n’a pas changé d’avis entre temps. Cheuteuteuteut!!!!

Je reconvoque mon assurance:
«
⁃ Tu n’es pas encore prête?
⁃ Non je ne pars pas!
⁃ Tu ne pars pas?
⁃ Non!
⁃ Non?
⁃ Oui!
⁃ Oui? Xana ton père a changé d’avis?
⁃ Non, ma mère!
⁃ Ta mère?
⁃ Yàw mëno bayyi lu ma wax nga wax ko. Ma ngi bëg gëm li ñuy wax.
⁃ Man Kay dama comprendrul. Lan nga war’a gëm foofu?
⁃ Sama yaay neena bu ma andati ak yow. Doomu dof, dof la! Ta dof da ñu kay bayyi ak ay mbokkam.
⁃ Kan moy doomu dof? Kan moy dof? Yow waxi dof yi ngay wax moy lan ?
⁃ Fi de benn dof mo fi am. Bul ma sonnal. »

Elle fait demi-tour et claque la porte derrière elle. Mon cœur se serre, se serre très fort. Mon cerveau est entrain de faire des associations bizarres. Ces mots ont réveillé quelque chose en moi. Je reste pétrifié, mais la vérité se forme dans mon esprit. J’arrive à coller des pièces du puzzle. Je reste debout à la même place, je ne sais même plus combien de temps. Mes pas me portent vers la maison, je ne pense plus au bal, je n’ai plus qu’une seule chose en tête: parler à ma mère. D’ailleurs, est-elle ma mère?

J’arrive à la maison. Et la trouve devant la télé. Elle est seule. Je me jette à ses pieds, le reste de ma contenance s’évanouissant.
⁃ Maman pourquoi ne m’as tu pas dit que tu n’étais pas ma vraie mère?
⁃ Wuy sama Ndey ! Qu’est ce que tu racontes?
⁃ Ay maman! Lutax waxu lo ma ni dof mi ma jur. Da nga ma for ci mbedd bi?
⁃ Allahou akbar!!! La ill aha illa lah ! Ku tas sama kër?
⁃ Maman, donc c’est vrai?
⁃ (En larmes) oui, c’est vrai. Assieds-toi, qu’on discute (en me relevant).
⁃ (Je m’installe à côté d’elle, et comme quand j’étais petit, elle me serre dans ses bras tout contre son cœur. Le rythme de ce dernier m’apaise, sauf que ce soir cela ne suffira pas à atténuer ma peine).
⁃ Taaw, ce que tu as entendu est vrai. Wante ki la ko wax mandu wul. Mënoon na la wax lepp. Ta mère et moi sommes amies depuis l’enfance. Xana Yàlla mo ñëw ak mbir’ëm. Xel’am mu naqqadi mo ñu taqqali. Ses parents ont tout fait pour la soigner, mais ont dû renoncer à cause du coût des traitements. Son mal s’est aggravé au fil des ans. Elle a fini par marcher dans les rues toute nue et avait élu domicile ci baayal bi. C’est là que je l’ai trouvée un matin, enceinte et grelotante de fièvre. Je venais de me marier, et je l’ai accueilli à la maison, contre l’avis de tous, elle était presque à terme. Je ne sais pas qui l’a mise enceinte, toujours est-il que le travail avait déjà commencé. Elle était violente et dangereuse surtout pour elle-même; elle ne comprenait pas ce qui se passait dans son corps, nous avons tant bien que mal réussi à l’amener à l’hôpital. Où tu as vu le jour. Le temps de faire les formalités d’admission, l’accouchement avait commencé. Tout s’est passé très vite. Je ne l’ai quittée que le temps de t’accompagner pour ton premier bain et de finir les formalités d’admission, une heure tout au plus, en revenant dans la salle d’accouchement commune, elle n’était plus là. Personne, parmi le personnel soignant, n’a pu me répondre. Chacun se contentant de demander à l’autre « giso dof bi tëddoon fi? ».
J’ai failli devenir folle. J’avais un bébé dans les bras, et ma meilleure amie avait disparu. Nous l’avons retrouvée morte une semaine plus tard, le soir de ton baptême. À compter de ce jour, devant Dieu et devant les hommes, tu es devenu mon fils. Boole ci Yàlla xam li muy def, mayyu ma sax beneen doom bu goor.

Je pleure encore dans les toilettes, quand ma femme ouvre la porte.

Du Kokalam

Ps1: il y a quelques années devant mon lycée, était installée une dame. Déficiente mentale. Toutes les fois où je suis passée devant elle les matins, elle quittait la place ombragée où elle avait élu domicile pour se diriger vers le fleuve et y faire son linge… son rituel était immuable. Elle avait beau être sale sur elle, elle faisait quand même son linge tous les matins. Il est aussi arrivé qu’on nous raconte que tel ou tel autre matin, elle avait un nouveau-né dans les bras. C’était un secret de polichinelle qu’elle avait plusieurs enfants. Tous conçus dans son état par des êtres à qui la recherche frénétique de biens terrestres faisait faire des choses de ce type avec l’aide de quelque marabout véreux. Chacun de ses enfants était, paraît-il, recueilli par une autre dame N. qui les a élevés comme les siens. C’est resté un réflexe pour moi, à chaque fois que je passe devant cette place à Saint-Louis, de vérifier si elle est toujours là. J’ai refait ce geste il y’a deux semaines à peine. Cela fait très longtemps que S. n’y est plus et jamais elle n’y reviendra.

Ps2 : dédicace spéciale aux quadras de ma team, vote discussion d’il y’a deux soirs a inspiré ce post

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