Infertile…
10 ans que mon ventre reste désespérément vide.
150 menstruations.
Réglée comme un métronome. Jamais un seul jour de retard, même pas de flot anormalement conséquent.
Aucun espoir ne m’a jamais été donné
J’en suis arrivée à espérer une fausse couche. Tu te rends compte. J’espère et implore le ciel 5 fois par jour de m’accorder une fausse couche qui me permettrait de savoir que j’en suis capable.
Ça me rassurerait, je saurai alors que je peux. A croire qu’il n’y a personne en haut. Astaghfiroullah, il parait que l’on ne doit jamais dire des choses comme cela.
C’est qu’il ne m’entend pas ou alors ne m’écoute-t-il pas.
J’attends toujours un signe de sa part.
Dès la première année de mariage Adji Fatou ma belle-maman, me rappelait déjà que j’étais là aussi en grande partie pour donner un héritier à son fils, qui porterait le nom de son défunt mari et serait le premier petit-fils que la maisonnée attendait avec impatience. Toute obnubilée par mon récent mariage, je souriais jusqu’aux oreilles en répondant, amine, qu’Allah t’entende.
C’était un temps joyeux où je pouvais encore rire sous la couette avec mon homme, en exigeant de lui qu’il satisfasse la requête de belle-maman, pour mon plus grand bonheur.
10 ans plus tard, plus personne ne m’adresse ce genre de souhaits, car entre temps le ton a changé.
Ca a d’abord été « Doomay alal», ensuite, on est passé à «arrête de prendre la pilule, qu’est-ce que vous attendez » pour finir par « à quoi peut bien servir une femme qui ne peut pas procréer».
Quand, au début, je répondais gentiment, « lu jot yomb, c’est Allah qui accorde la progéniture, on me rétorquait « yalla yalla bay sa tool ». Petit à petit C’en a été fini des après-midis sous la couette, des matinées du dimanche qui s’étiraient en longueur et des week-ends en amoureux.
Munie d’un carnet d’abord et d’un stylo, je passais ma vie à noter ma température et à calculer les jours propices, le carnet ne suffisant plus, j’ai téléchargé des app mobiles. Nous étions passés en mode obligation de résultats. Le plaisir avait disparu depuis longtemps.
Tu cherches un gynéco, je connais tous ceux de Dakar, tu as des questions, n’importe lesquelles sur la procréation, je peux te donner la réponse, pas besoin de payer la consultation, La faculté de médecine pourrait me décerner mon diplôme de gynecologue-obstétricien, spécialisation : procréation médicalement assistée, direct, je suis incollable sur les traitements de fertilité.
Au final Adji Fatou a trouvé une deuxième femme à mon mari, elle était pressée de donner un homonyme à son défunt mari.
Je suis drôle des fois, lui prendre une deuxième femme kay, il se l’est pris tout seul comme un grand, il s’est juste contenté d’épouser son ex qui était restée pendant tout ce temps en repérage. Repérage dix ans aussi ???? Elle est un modèle de persévérance.
Tu te demandes comment je l’ai pris, j’ai trouvé ça très drôle, j’en ai ri, j’ai tellement ri que je n’arrivais plus à m’arrêter, j’éclatais de rire à chaque fois que j’y repensais. A un moment il a m’a emmené voir quelqu’un, il paraît que je riais trop, que j’étais un peu trop joyeuse, un peu trop, trop.
Le verdict est tombé, j’étais en pleine dépression. Moi 100% sénégalaise faire une dépression ???
Pendant ce temps Adji Fatou s’était faite une nouvelle meilleure amie. Il y a de quoi, cette dernière est tombée direct enceinte dès la première année. Elle a fait des jumeaux dès la première année, elle a fait fort hein !
Des jumeaux dès le premier essai !
Un garçon et une fille, comme lettre à la poste.
Wallay, au ciel ils ont un sens de l’humour particulier.
La fille porte mon nom, il parait que c’est une manière pour mon mari de me montrer que je compte à ses yeux, tu te doutes bien que je n’en ai rien à foutre qu’il me le montre de cette manière.
Ce que je lui demande c’est de me le faire à moi cet enfant, je veux le mien !!!! Ce n’est quand même pas compliqué. Un peu si, je t’avouerai, vu que depuis que l’autre est arrivée et est tombée enceinte c’est devenu le désert chez moi, l’homme qui me servait de mari a disparu. C’est encore pire depuis l’arrivée des jumeaux. Il a emménagé là-bas me disant que je comprendrai surement qu’il y soit à temps plein pour l’aider pour les enfants. Au bout de trois mois sans le voir revenir, le ridicule de la situation m’est apparu. Moi, voulant coûte que coûte faire un enfant, et lui absent.
A ton avis, comment je pourrai y arriver toute seule ? J’ai tourné la chose dans ma tête, dans tous les sens, je crois que je ne m’en sortirai pas cette fois-ci. Il paraitrait même que l’autre est encore enceinte, dafa neff, c’est ma très chère belle-mère qui me l’a annoncée hier quand je l’ai appelée pour prendre de ses nouvelles. Elle avait hâte de m’annoncer la nouvelle, elle ne m’a même pas laissée en placer une.
Mon mari n’y était-il pas juste pour l’aider avec les nouveaux-nés.
J’ai éclaté de rire à nouveau.
Les autres petites chroniques sont disponibles par ici:
- https://dukokalam.com/chronique-des-petites-violences-ordinaires-2/
- https://dukokalam.com/chronique-des-petites-violences/

Auteure, podcasteuse, sénégalaise. Je suis passionnée d’écriture et je traite essentiellement de sujets autour de notre perception de l’autre, du jugement, des violences ordinaires… J’ai un premier recueil de nouvelles publié en 2018 que vous pourrez trouver ici… J’ai créé du Kokalam en 2017. Année après année, il continue de grandir.
Daw na yaram,touchant et tellement proche de nos réalités.Vivement VENDREDI !
Le pire dans un situation d infertilite c’est que la concernee porte le poids de son chagrin et la culpabilite ( non fondee) que lui inculque la societe…c ecrit ou kil fo engendrer pour etre femme? Le plus eprouvant c ke c des femmes comme toi qui te psychote plus! Des fois nak des celibataires sans enfant de surcroit! Non fo kon se reeduque hein ya du boulot !
Il y a énormément de boulot. On aura fait un grand pas, quand on arrêtera de nous pointer du doigt les unes les autres au lieu de nous soutenir.
Amen!!!!
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